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Extrait : 

REMARQUE LIMINAIRE 

S'il est un sujet qui fait l'objet de bon nombre de conversations de salon, de réunions de socioprofessionnels, de prises de position de politiques ou même de discussions de tout-un-chacun dans la rue, c'est bien :

                                                              L'OCTROI DE MER.

Pourquoi en parle-t-on tant depuis quelques temps ?

Parce qu'il parait qu'<> va le supprimer !

Ce "on", c'est le gouvernement français, sous la férule des technocrates européens. Le POSEIDOM est déjà presque oublié et pourtant c'est bien par lui que sa suppression a été décidée. C'est le premier texte européen qui le dénonce expressément. L'attention du lecteur est d'ores et déjà attirée sur les autres mesures fiscales en faveur des DOM qui sont listées en fin de ce document. Elles risquent, elles aussi, au nom de la sacrosainte règle de l'égalité de tous les européens entre eux, de disparaître à plus ou moins brève échéance comme l'octroi de mer. Les dérogations ne sont plus sur 10 ans mais portées à 4 ans sur certains points, la production locale est assujettie dès 300 K€. Ce sont des indices qui doivent nous alerter. La prochaine échéance est 2020. Apparemment, pas de grandes inquiétudes chez les élus et les socioprofessionnels. Ont-ils raison ?

La disparition de l'octroi de mer est-elle inéluctable ? Force est de constater que l'octroi de mer vieillit mal. Sa croissance gargantuesque met beaucoup plus en relief ses effets pervers que ses avantages. De plus, le contexte économicopolitique de nos jours est sans commune mesure avec ce qu'il était lors de sa création.

Faut-il garder, modifier ou supprimer l'octroi de mer ?

Notre réponse à cette question sera donnée.

Toutefois, afin de bien comprendre la complexité de cette construction originale dans le droit français, et d'expliquer pourquoi et pour quoi cette taxe a créé un régime dérogatoire du droit communautaire, il ne serait pas inintéressant d'en examiner les éléments constitutifs et les effets obtenus.

Pour bien comprendre la complexité du régime actuel, on ne peut faire fi de son mode de création. Au fil des siècles, les autorités coloniales ont mis en place un système sans cesse complété. Le résultat : un ensemble de dispositions dérogatoires ou d'exceptions et des règles de répartition parfois déroutantes pour le non-initié aux subtilités de la vie politique. De plus ces règles ne sont pas les mêmes pour les cinq bassins concernés. Les différents régimes constitutionnels (Départements d'Outre-mer, Collectivités d’Outre-mer, Régions Ultra Périphériques) complexifient encore le régime initial. A l’origine, c'était l'époque heureuse où les Conseils Généraux pouvaient légiférer comme ils voulaient. Ils avaient l'octroi de faire...

Sur une période plus récente, les responsables élus réalisèrent que le giron domien n'était pas uniforme. Les DOM étaient déchirés (de timides tentatives de coordination apparaissent ici ou là). Mais les îles françaises de la Caraïbe se trouvent aussi dans un environnement qui est anglophone et n'a pas le même niveau de développement. Cette différence de développement se retrouve aussi dans l’océan indien avec l’omniprésence de Maurice et de Madagascar. Quant à Mayotte, elle se cherche encore entre sa tradition culturelle et sa volonté de modernité. De plus la prise de conscience du fait européen s'est faite très lentement. Avec la décentralisation, certains élus virent leurs pouvoirs accrus à un point tel que certains excès furent enregistrés. L'octroi de mer, par sa complexité, a permis de mettre en exergue les mœurs "particulières" de certains élus ou socioprofessionnels. Nous vivons là l'octroi des pairs.

Depuis la mise en place de l'Acte Unique Européen, les choses ont évolué. Bien que certains rechignent encore à constater l'évidence, la machine européenne est partie sur sa lancée, elle ne s'arrêtera pas. N’en déplaise aux anglo-saxons de la Perfide Albion avec leur Brexit. Bien au contraire, elle se renforcera avec très probablement les pays de l'Europe de l'est. La réunification de l'Allemagne et puis la dislocation de l'URSS sont des signes prometteurs d'une future fédération européenne forte de l'Atlantique à l'Oural comme l'annonçait d'un ton prémonitoire le Général De GAULLE. Mais ce grand espace européen, s'il veut être cohérent, ne peut tolérer de barrières douanières[1] et de spécificités au gré des Etats-membres. Pour les élus domiens, depuis le vote du POSEIDOM, c'est l'octroi amer.

Ne s'en laissant pas conter, les antillo-guyanais et les réunionnais ont réfléchi sur la possible disparition de l'octroi de mer. Diverses propositions de substitution ont déjà été avancées ces dernières années. On compte d'ailleurs plusieurs propositions de lois qui ont été déposées tant à l'Assemblée Nationale qu’au Sénat.

Pour notre part, nous ne saurions nous contenter d'apporter que des critiques au régime actuel. La société antillaise se caractérise surtout par son oralité. Hélas, peu d'entre nous ont osé consigner par écrit le fruit de leur réflexion, de leurs cogitations voire de leurs élucubrations. Notre contribution au débat est de formuler une proposition de substitution. La Taxe Assimilable à un Impôt Local pour la Logistique et les Effectifs (dont nous utiliserons l’acronyme la T.A.I.L.L.E.) permettrait, nous le pensons, de supprimer les effets pervers de l'actuel régime de l'octroi de mer. Cette taxe s'appliquerait indistinctement aux produits importés et aux productions locales mais également aux services. Cette base d'imposition plus large entraînerait ipso facto un abaissement du taux moyen d'imposition. Parallèlement, la répartition des sommes collectées sera modifiée pour permettre d'alimenter le budget des Conseils Régionaux ou des Collectivités territoriales dans le cadre de l'aide économique aux entreprises. Bien entendu, une limitation des sommes à répartir est prévue. Concomitamment, une action en direction des élus locaux devra être entreprise afin de "moraliser" certaines pratiques et inviter les élus à utiliser tout l'arsenal fiscal à leur disposition notamment en matière d'impôts municipaux.

Mais, il y a la loi de 2015. Bien que contestée par les socioprofessionnels, pour ses seuils trop bas, ce texte est incontournable. Nous sommes heureux qu'il reprenne certaines de nos propositions évoquées dans la T.A.I.L.L.E. Mais on peut déjà retenir quelques points forts qui seront précisés à la fin de cet ouvrage :

* taxation des produits importés et des productions locales ;

* limitation à 4 taux ;

* taux maximum fixé à 25% ;

* abandon d'un système de classification de produits selon la nomenclature douanière pour passer à la classification par catégories définies par l'administration des impôts ;

* limitation de la répartition aux communes ;

* création d'un Fonds Régional pour les Entreprises et l'Emploi...

Avec la réduction des périodes de dérogation ramenée à 5 ans, certains se posent encore la question : L'OCTROI DEMEURE ?

Qui n'est pas concerné par l'octroi de mer ?

Tous ceux qui résident dans les R.O.M. et les COM sont peu ou prou concernés. Bien sûr, il y a ceux qui en tirent des subsides (pour eux personnellement, pour leurs sociétés ou pour leurs collectivités), et ceux qui payent...sans le savoir.

A l'heure où l'on parle d'égalité, l'octroi de mer est loin d'être cité en exemple.

Comme l’écrivait fort justement Bernard CASTAGNEDE[2], dans la préface de l’ouvrage « Le régime fiscal des départements d’Outre-mer » : « Plutôt que de céder au cliché complaisant d’une fiscalité ultramarine mâtinée d’héritage flibustier, il serait pertinent d’évaluer les difficultés d’articulation entre des mesures, puissantes, d’attraction du capital extérieur, et une structure fiscale commune non spécialement préparée à les accueillir. Alors, seraient sans doute mieux comprises les innovations juridiques développées dans les D.O.M, quitte, dès lors qu’on les jugerait incongrues, à conclure à l’urgence d’une fiscalité plus globalement conçue en faveur du développement outre-mer ».

S'interroger sur l'octroi de mer n'est pas commettre un parricide. C'est par contre l'occasion de se connaître soi-même, de se poser des questions sur sa propre identité. Il n'est pas surprenant de constater que depuis la publication du POSEIDOM, nombreux sont les hommes politiques ou ceux appartenant à "la société civile" qui prennent des positions plus radicales quant au statut des anciennes colonies françaises.

Mais, c'est déjà là l'autre débat...

[1] Selon la définition officielle de la Douane française : Une barrière douanière est une mesure qui vise, selon les cas, à interdire, limiter ou rendre plus difficile, l’accès à un territoire national pour des produits ou services qui viennent d’un pays étranger. Mettre des barrières douanières est du ressort de la souveraineté nationale. Donc chaque Etat peut décider de mettre, ou de ne pas mettre, des barrières à l'entrée des marchandises. On utilise également le terme « obstacle » pour désigner ces mesures.

[2] Professeur à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, a été un de mes enseignants à l’Institut Henry VIZIOZ, (la fac de droit de l’université des Antilles-Guyane) dans la décennie 70. Il a préfacé l’ouvrage de Joël BOUDINE, « Le régime fiscal des départements d’Outre-mer », paru aux Editions L’Harmattan, en 1998.

Extrait : 

1.1.3.3. LA REPARTITION DE L'OCTROI DE MER 

A la collecte brute de l'octroi de mer s'ajoute la taxe additionnelle à l'octroi de mer (appelée aussi DAOM, Droit Additionnel à l’octroi de mer puis, à partir de 2004 Octroi de mer régional). Elle était à sa création, indépendamment du taux appliqué en principal, de 1% pour la Guadeloupe et la Réunion, de 0,75 % à la Martinique et un taux variable selon le produit importé à la Guyane.

Sur cette collecte brute viendront se greffer certains prélèvements au profit de personnes qui interviennent... uniquement pour toucher cette taxe. La répartition concernera toutes les communes, même celles qui ne collectent pas l'octroi de mer sur leur territoire.

. Le montant de l'octroi de mer collecté

Aussi curieux que cela paraisse, il n'est pas facile d'obtenir des chiffres précis, et irréfutables, de l'octroi de mer. Est-ce à dire que cet aspect du sujet est tabou alors qu'à longueur de journée on en parle aussi bien dans les médias que dans les réunions d'intellectuels Bon Chic Bon Genre voire même dans les lolos.

Combien d'octroi de mer est réellement collecté ? Mystère.

La Douane qui est chargée de collecter l’octroi de mer refuse de communiquer à tout un chacun le montant des sommes collectées, se réfugiant derrière le « secret statistique »[1].

Pour le département de la Guadeloupe, il était encore plus que difficile de citer un chiffre sans craindre d'être contredit :

Selon un document officiel du Conseil Général de la Guadeloupe le montant des "sommes brutes recouvrées" s'élève, au titre de l'octroi de mer et des droits additionnels à l'octroi de mer :

Sur un autre document, non moins officiel, de la Direction Régionale des Douanes, récapitulant les impôts recouvrés par les comptables de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects, on obtient les chiffres suivants pour les "droits d'octroi de mer (produits bruts)», en milliers de francs :

La comparaison de ces quatre chiffres venant d'administrations sérieuses sur des documents officiels laisse perplexe. Seul un montant est identique. Les différences portent sur des écarts allant de 88 000 F à 23 836 000 F. Vingt-trois millions de francs (lourds !).

A qui profite la différence ?

[1] Information importante : Les fonctionnaires du PAE (le Pôle d’Activités Economique) de la Martinique nous ont opposé un refus catégorique à nos demandes réitérées en janvier 2017 d’avoir les chiffres de l’octroi de mer collecté. Ce fut considéré comme une insulte pour eux de vouloir connaitre ces chiffres. Pire, dans son courriel du 30 janvier 2017, l’Administratrice supérieure des Douanes, sous directrice des droits indirects nous écrit : « 3) le montant des frais d’assiette et de recouvrement, fixés à 2,5% du produit de l’octroi de mer par l’article 44 de la loi n° 2004-639 modifiée du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, n’est pas une donnée pouvant être communiquée à un particulier.

Les principes généraux qui régissent la communication, par l’administration fiscale, d’informations couvertes par diverses mesures de secret sont strictement définis.

Les règles relatives au secret professionnel ont un caractère général et absolu et il ne peut y être dérogé qu’en vertu d’une disposition ayant au moins une valeur législative (art 226-14 du code pénal) d’interprétation et d’application strictes (droit de communication ou dérogation au secret professionnel).

Lorsque des informations détenues par la DGDDI présentent un caractère confidentiel au sens de l’article 59 bis du code des douanes, leur communication à un tiers n’est envisageable qu’en application d’une disposition de nature législative (droit de communication, échanges spontanés légalement prévus ou dérogation au secret professionnel dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 59 ter du code des douanes).

En l’espèce, un particulier réalisant une étude ne dispose d’aucun droit de communication applicable à l’égard de l’administration des douanes.

Les agents des douanes sont tenus au secret professionnel dans les conditions et les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.

L’article 59 ter du code des douanes ne permet pas davantage la transmission d’informations confidentielles à un particulier réalisant une étude. Il la réserve uniquement <>>. » (sic)

Extrait : 

4.1.3. ANALYSE DE QUELQUES PROPOSITIONS DE SUBSTITUTION 

La plupart des gens qui prennent position pour le maintien de l'octroi de mer, par8ce qu'ils en bénéficient (on l'a vu plus haut) à un titre ou à un autre, trouvent des arguments fallacieux comme ceux-ci :

  • Facteur de développement de la production locale : faux !

Il a été prouvé que l'octroi de mer étant basé sur les importations, il ne fait rien pour limiter ces dernières voire les supprimer. Au contraire on peut dire que du fait du calcul généralement utilisé par les commerçants aux Antilles (prix CAF et non FOB[1], cette taxe est incorporée au prix de revient des produits stockés. Quand on connaît le volume et le montant important des stocks dans les entreprises locales qui par-là veulent se prémunir contre l'éloignement et avoir aussi des prix dégressifs au niveau du fret, on comprend que ceux qui n'écoulent pas rapidement leur stock ont des reproches à formuler à l'endroit de l'octroi de mer[2]

  • Aide à la création d'entreprise industrielle : archi-faux !

Il y a des concours spécifiques qui sont prévus à ce titre. Que ce soient les incitations financières locales, départementales (subventions destinées à l'acquisition de terrains industriels, primes complémentaires à la prime régionale à la création d'entreprise (PRCE), avances remboursables), régionales (PRCE et prime régionale à l'emploi (PRE)), nationales (primes d'équipement, prime d'orientation agricole, prime d'emploi et d'allègement de charges sociales, défiscalisation des investissements dans les DOM), européennes (FEDER, FSE dans certains cas, et FEOGA) ;

  • Création d'un cadre harmonieux favorable à la création d'entreprise industrielle : mensonge !

Si un individu veut se lancer dans la production industrielle, il ne doit pas poser comme préalable sine qua non qu'il obtienne des aides à la création de son unité et des protections en surtaxant les produits concurrentiels importés. Où est la libre entreprise ? Certes, il y a des "spécificités naturelles" qui existent et qui sont largement exposées dans le POSEIDOM, mais c'est en toute connaissance de cause que l'industriel se lance dans cette bagarre. Mutatis mutantis, un vendeur de chaussures qui voudrait s'installer à la rue Frébault, à Pointe à Pitre, exige-t'il de l'administration que tous les autres commerces ayant la même activité que lui soient plus fiscalisés ? ;

  • Facteur de développement : non !

Sujet tarte à la crème qu'utilisent les politiques en mal d'inspiration. Il faut d'abord définir le type de développement qui est souhaité par la majorité des populations de chaque DOM. Depuis deux siècles que l'octroi de mer existe, y a t'il eu développement économique ? S'il y en a eu un, il est insuffisant, et donc il faut modifier l'actuel mécanisme de l'octroi de mer. S'il n'y a pas eu de développement économique, il y a eu certainement un certain nombre d'obstacles et donc en l'occurrence, l'actuel octroi de mer ne parait pas assez combattif pour assurer ce développement. En conséquence, il faut l'améliorer.

Tant que nos décideurs seront toujours empêtrés dans les atermoiements de la politique politicienne, de bas niveau, il est à craindre que les Régions d'outre-mer ne puissent se mettre d'accord pour un véritable plan de développement. En l'espèce, la position des guyanais n'est pas du tout celle des antillais. Mais, là, on entre dans la politique.

  • Protection des productions locales : hélas !

L'absence de rigueur dans le contrôle des exonérations et des majorations concomitantes des produits concurrentiels importés a laissé la porte ouverte à tous les excès et abus (l'exemple de la FRAMI[3] est, à tort ou à raison, le plus souvent avancé). Souvent les produits locaux, malgré toutes les aides accordées, sont bien plus chers que les produits importés. Combien de fois les Présidents des Conseils Généraux, puis des Conseils Régionaux mais aussi les Préfets ont été alertés sur le fait que des entreprises locales bénéficiaient d'exonération de l'octroi de mer sur des produits qu'elles importaient alors que la matière première se trouvait (partiellement) sur place ! Faut-il nommer SOCREMA, COFRIGO et Jus de Fruits Caraïbes (JFC) ? Ces trois entreprises, parmi d'autres, importent du lait de coco de Porto-Rico, du jus d'ananas des USA ou encore des concentrés de jus ("locaux") d'Afrique centrale et d’Amérique centrale.

En la matière, il importait beaucoup plus d'agir sur la mentalité du consommateur pour obtenir des achats de produits locaux et non de majorer les importations, notamment de produits de grande consommation (et pas uniquement les produits de première nécessité).

  • Outil d'égalité entre les productions locales et les produits équivalents importés : quelle gourde !

Les importateurs sont en général très vigilants à toute modification du tarif d'octroi de mer et peuvent modifier plus facilement leurs importations (par des produits similaires peu ou pas taxés) que les Conseils régionaux ne le font pour leurs tarifs. Ce qui amène les industriels domiens à se plaindre car les commerçants peuvent plus facilement changer de produit que le fabricant local ne modifierait sa production. De toute façon, le commerçant est toujours à la recherche de fournisseurs qui lui assureraient une plus grande quantité à un meilleur coût. Les hypermarchés qui s'ouvrent ici ou là proposent des produits de moins en moins chers. Le principe de ces grandes surfaces n'est-il pas de faire le moins de bénéfice sur la plus grande quantité de produits ? 

  • Facteur de stabilité fiscale : duperie !

La majoration des taxes affectant les produits importés renchérit le coût de la vie et grève en final de compte le budget des familles[4]. Donc, l'octroi de mer est générateur d'inflation. L'assiette même de l'octroi de mer repose sur la valeur du produit au stade CAF. C'est à dire que la marchandise a déjà subi une augmentation de son prix pour le transport et pour l'assurance du transport. Il eut mieux valu que la base "ad valorem" soit assise sur le prix FOB (Free On Bord), c'est à dire livré sur le bateau, sans les fameux et mystérieux "frais d'approche" (Voilà un autre mot savant que les commerçants ne dédaignent pas d'utiliser pour expliquer la différence de prix au détail entre la France et les DOM.

  • Répartition équitable de l'octroi de mer en fonction de la population : supercherie !

La répartition de l'octroi de mer se fait en fonction de la population telle que comptabilisée lors du dernier recensement. Toutefois certaines exceptions rendent ce système perfectible : le cas de Saint Martin et de Saint Barthélémy étaient des exemples criants. Les produits importés en Guadeloupe pour ces deux îles n’étaient pas assujettis à l'octroi de mer alors que ces dernières en profitaient largement. Pour citer un autre exemple de distorsion du mécanisme on peut prendre celui de Pointe à Pitre, considérée comme une « ville-centre » qui se voyait attribuer une somme fonction de la population recensée (environ 28 000 habitants lors des premières estimations de 1990) alors que dans la réalité, il s'agit d'une agglomération qui supporte l'essentiel de l'activité économique de la Guadeloupe et doit fonctionner comme une commune de 100 000 habitants. Pour pallier cet inconvénient, plusieurs solutions de substitution à l'octroi de mer prévoyaient des systèmes de péréquation lors de la répartition. Vous avez dit « équitable » ?

  • Pluralité des taux pour une imposition judicieuse des produits assujettis : Ineptie !

Les 13 taux différents à la Guadeloupe et les 9 taux de la Martinique se révélèrent inutiles. Ils compliquèrent la tâche des douaniers et rendirent perplexes les déclarants. Nombre de ces taux étaient sans rendement puisque le taux moyen était de 7,5 %. Par exemple les taux de 70 % et 5 % avaient rapporté respectivement 4,12 et 0,09 % des recettes d'octroi de mer en Guyane en 1989. Le taux de 70 % se voulait dissuasif car il touchait les tabacs. Hélas, les fumeurs n'ont pas arrêté de fumer pour autant ! Le taux de 5% concernait les huiles de pétrole ou de minéraux bitumeux. La spécificité des huiles de moteur et dérivés ne se trouve pas si déterminante dans une économie pour justifier d'un taux spécifique. A moins qu’il faille chercher qui en importe le plus. Mais là, secret absolu sur les importateurs. La simplification en l'espèce s'impose. 

  • Unique ressource des collectivités : le gag ! L'examen attentif des budgets de fonctionnement des municipalités montre que ce sont surtout les petites communes qui sont très dépendantes de l'octroi de mer. Pour les plus grandes, assez curieusement communistes ou dans la mouvance de gauche (Parti Progressiste Martiniquais [PPM], Parti Progressiste Démocratique Guadeloupéen [PPDG] et Parti Socialiste [PS] notamment), au risque de se rendre impopulaires elles ont créé de nouvelles ressources fiscales municipales. Pourquoi les petites communes n'useraient-elles pas de tout l'arsenal que leur offre la réglementation fiscale actuelle ?
  • Sa suppression mettrait au chômage du personnel hautement qualifié : contre-vérité ! Si l'octroi de mer est supprimé dans sa forme actuelle, les fonctionnaires des services des douanes pourront (enfin !) se consacrer à d'autres tâches moins paperassières de contrôle sur le terrain[5]. Les commissionnaires et autres transitaires en douane, avec la suppression des barrières douanières au sein de la Communauté, pourront conseiller les entreprises pour développer les exportations. Quant aux agents des contributions indirectes qui perçoivent un sursalaire en fonction de l'octroi de mer réparti, on comprendra leur désapprobation de ne plus toucher de prime pour un travail qu'ils n'accomplissaient pas.
  • Permet le salaire du personnel communal : le scandale !

Combien de maires tiennent en haleine du personnel non titulaire qu'ils rémunèrent uniquement sur cette recette de fonctionnement ? L’octroi de mer est devenu une composante essentielle du budget municipal. Cette ressource électoraliste permet d'employer (de manière parfois non indispensable) des électeurs potentiels ;

Bien que cette remarque soit formulée, il faut reconnaitre comme précisé dans le chapitre sur l'octroi des maires, que très souvent la municipalité est souvent le premier employeur de la commune. Il ne faut pas négliger l'aspect social de l'octroi de mer qui rend, à plus d'un, délicate la solution de substitution.

  • Garantit les dépenses communales : la fourberie !

A la Réunion, la répartition de l'octroi de mer se fait en fonction des dépenses engagées au cours de l'antépénultième année. Comment un nouvel élu, aussi probe soit-il, peut-il résister à cette tentation d'engager des dépenses de plus en plus nombreuses en sachant que sa part augmentera lors de la prochaine répartition d'octroi de mer ? 

  • Complément indispensable à l'action du Conseil régional : un leurre !

L'article 38 de la loi du 2 août 84 autorisait les Conseils régionaux à fixer un droit additionnel ne pouvant pas excéder 1%. Il est regrettable que les élus de la Guadeloupe aient cru devoir choisir le taux maximum alors que peu de temps après ils voyaient leur budget refusé par le Comité Economique et social et que la Cour des Comptes dénonce des absences d'orthodoxie financière. La loi de 2004 a uniformisé l’octroi de mer régional à 2,5 %. Sans les traiter de « morfales » ou de « Agoulou gwa fal »[6], force est de reconnaître que les hommes politiques ont des appétits gargantuesques. A ce propos, l’Association des Régions de France a édité une plaquette en mars 2017 intitulée « 6 propositions pour redonner des capacités financières aux régions et collectivités régionales d’outre-mer ». On peut y lire avec intérêt la deuxième proposition intitulée : « Doubler le plafond de l’octroi de mer régional de 2,5% à 5%. ». Ce qui rapporterait, bon an – mal an, entre 200 et 250 M€[7]. Qui a dit que nos élus voulaient lutter contre la vie chère ?

  • Pouvoir de décision des élus : Non decet !

Sans vouloir décevoir les élus régionaux ou territoriaux (et départementaux pour Mayotte), il faut reconnaître que cet argument est futile. Contester ce pouvoir n'est pas commettre un crime de lèse-majesté mais reconnaître que si l'octroi de mer est notre seule trouvaille en deux siècles pour affirmer l'autorité de notre pouvoir régional, nous n'avons pas à être fiers de notre capacité créatrice.

[1] Voir le détail du mécanisme au chapitre 3.1.3.2. La croisade des MPI.

[2] Cf le chapitre 3.1.3.4. L’exaspération des commerçants.

[3] Lire le chapitre 2.2.2.2. L’octroi Denim

[4] Le rapport TOULOUSE, (voir notre chapitre 4.1.2.), disait déjà en substance, en 1986, que « l’Octroi de Mer est apparu comme un impôt dépassé sur le plan technique, facteur d'inflation par certains de ses effets et d'une efficacité économique médiocre. »)

[5] La lutte contre les narcotrafiquants et le blanchiment d’argent sale requiert beaucoup de ressources. Les brigades mobiles ou maritimes des douanes arrivent à peine à intercepter les migrants (de plus en plus nombreux sur Mayotte

[6] L’auteur est respectueux des institutions, il ne se permettrait pas de reprendre à son compte des qualificatifs ou sobriquets donnés aux élus par le peuple.

[7] Voir le chapitre 6.2. Le rendez-vous (presque) manqué de 2020.

Extrait : 

 Pour toutes ces raisons, nous osons proposer : la T . A . I . L . L . E . Elle pourrait regrouper les caractéristiques suivantes :

A. Le champ d'application : Seront concernés par cette taxe tous les cinq DROM-COM de la République Française. Les dépendances du nord de la Guadeloupe, Saint Martin et Saint Barthélémy ainsi que toute zone franche à venir en seront exclus. B. Le service chargé de la perception : Les services extérieurs du Trésor Public seront chargés, du recouvrement de cette taxe. C. La nature du droit : Il s'agira d'une taxe fiscale qui sera recouvrée dans les mêmes conditions que les impôts locaux. Cependant, une fois acquitté, ce droit sera déduit du résultat imposable. Au cas où l'exercice serait déficitaire, il n'y aura pas lieu à remboursement. D. Le fait générateur : Le fait générateur sera la déclaration du contribuable. Comme en matière d'impôts locaux, en cas de non- déclaration ou de fausse déclaration, la procédure contentieuse en vigueur sera appliquée. E. Le redevable : Ce sera le déclarant, soit la personne physique ayant une activité artisanale, industrielle, commerciale ou de prestation de services, soit la personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés. Les entreprises de production industrielle pourront bénéficier de l'application des dispositions prévues par les articles 295 et 50 undecies et duodecies du code Général des Impôts relatives à la TVA fictive. F. La valeur d'assiette : Contrairement à l'actuel octroi de mer qui repose essentiellement sur la valeur des marchandises importées (et faiblement sur les livraisons locales), cette taxe assimilable à un impôt local taxera le chiffre d'affaires. G. La répartition : Les sommes collectées au titre de cette taxe seront réparties de la façon suivante : - 90 % au profit des communes en fonction de leur population légale constatée par les recensements généraux de l'INSEE. Ces bases seront revues si, à la suite d'un recensement complémentaire de l'INSEE, il apparaît que la population sédentaire a augmenté de plus de 15%. Cette première tranche sera ainsi utilisée : 50% dans la section investissement afin de financer les équipements structurants, d’une part, et 50% dans la section fonctionnement pour assurer les charges de gestion courante (notamment les charges de personnel), d’autre part. - 10 % au profit du Conseil régional. Ces sommes seront affectées au financement d'équipements structurants pour 50 % et au développement économique par l'attribution d'aides financières à la création et au développement d'entreprises de production pour 50 %. Dans ce dernier cas, elles pourront constituer la quote-part obligatoire

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de l'assemblée régionale lors de demandes de concours financiers européens. Mayotte n’ayant pas de Conseil régional, c’est le Conseil départemental de Mayotte qui sera attributaire.

Les communes de Saint Martin et de Saint Barthélémy étant exclues du champ d'application de cette taxe, elles seront également exclues lors de la répartition.

Les sommes réparties ne devront pas dépasser lors de la première année de l'application de cette nouvelle taxe (2021) plus de 5% du montant d'octroi de mer réparti l'année précédente (2020). Les autres années, l'augmentation maximum autorisée sera celle de la hausse des prix dans la région concernée, constatée au Journal Officiel de la République Française. L'assiette de cette taxe devra être révisée à la baisse s'il s'avère que l'augmentation de la collecte est nettement supérieure à la hausse des prix. Les élus régionaux (ou départementaux pour Mayotte), en concertation avec les services fiscaux, devront prendre de nouvelles délibérations pour réajuster le taux de l'assiette de cette taxe. Les montants versés au Conseil régional et aux communes seront versés mensuellement, sur la base de l'exercice précédent, majoré d'une somme proportionnellement au coût de la vie. Pour les premiers mois, avant la publication officielle de cet indice, les sommes réparties seront identiques à l'année précédente. La régularisation intervenant généralement à partir du second trimestre de l'exercice écoulé.

Dans le cas où il y aurait une soulte, (excédent des sommes collectées sur les sommes distribuées), le Conseil régional devra gérer ces sommes qui pourront être reversées aux entreprises ayant une activité de production ou, dans certains cas, aux entreprises en difficulté. G. Modalités de mise en place : L'actuel octroi de mer pourra être remplacé dans les cinq DROM-COM simultanément le 1er janvier 2021. En conséquence, il sera établi, dès 2020, un constat des prix généralement pratiqués sur les biens et les services. Pour ce faire, des équipes seront constituées des différentes administrations ou services suivants : - de la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; - de la Direction régionale des douanes ; - de la Direction départementale des impôts ; - du Service régional de l'INSEE ; - du Service des Statistiques agricoles. L'établissement de ce constat permettra de vérifier, le 1er janvier 2022, la baisse des prix publics généralement pratiqués antérieurement. Ce constat permettra également de suivre l'évolution des tarifs des services afin que les chefs d'entreprise de ce secteur ne répercutent pas de hausse sur ceux en

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vigueur avant la mise en place de la réforme. Cette vérification préalable sera répétée, d'une manière moins systématique les années suivantes afin qu'il n'y ait pas de dérapage de prix les années suivantes. Toute augmentation ne devra pas être supérieure à l'indice officiel de la hausse des prix du précédent exercice. Tout contrevenant sera verbalisé. H. Régime dérogatoire : A titre exceptionnel, et jusqu'à délibération expresse de la Collectivité concernée, les redevables d'une région ayant subi une catastrophe naturelle pourront être dispensés de l'imposition au titre de la T.A.I.L.L.E. I. Contentieux et règlement amiable des litiges : Les voies de recours sont celles édictées par le droit administratif. Toutefois, le règlement amiable des litiges sera conduit par le Directeur des Services Fiscaux de la région concernée. Il devra être saisi par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai d’un mois suivant la mise en demeure. En cas de non accord, une commission des litiges statuera en second ressort. Cette commission sera composée du Directeur départemental des impôts, du Directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que du Directeur régional des douanes.

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