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Maquette livre "Meurtre en croisière"

Maximilien NAIGRE est journaliste au magazine l’Expression. Il fait un reportage sur un bateau de croisière en escale à la Guadeloupe. Après deux ou trois cocktails, la fatigue le gagne. Il s’endort sur un transat. Quand il se réveille, il fait nuit noire. Le navire est au large. Il se retrouve donc passager clandestin. Celui qui l’hébergera dans sa cabine pour la nuit va disparaître dans des circonstances étranges. Maximilien NAIGRE, bien qu’en délicatesse avec les autorités du bord, va enquêter afin de connaître l’auteur de cet homicide. Curieusement, plusieurs passagers connaissaient très bien son bienfaiteur et se réjouissent de sa mort.

 

Maximilien NAIGRE ne visitera pas les îles des Petites Antilles, mais jouera au chat et à la souris avec la responsable de la sécurité à bord. Il rencontrera un peu d’intimité auprès de la belle et voluptueuse Olga. Des informations précieuses sur les différents passagers lui seront communiquées par Jenny, son ancienne compagne martiniquaise.

S’ils avaient tous des mobiles, lequel des passagers est passé à l’acte ?

Un extrait  de "Meurtre en croisière " ? 

On entend déjà la corne de brume qui annonce le départ et le refrain de « Con te partiro » qui retentit dans les haut-parleurs de la passerelle. L’appareillage est imminent. Les passagers se ruent vers le pont tribord afin d’apercevoir une dernière fois Castries. Alors que je m’apprête fausser compagnie à Lesmonts, je vois la responsable de la sûreté qui se présente dans l’encadrement d’une porte palière. Je me fais plus petit et essaie de me cacher derrière un des passagers. Manifestement, elle m’a vu et se dirige vers moi. Je suis fait comme un rat. Est-ce ma dernière heure d’homme libre sur ce bateau ? Elle se rapproche de moi. J’ai un curieux pressentiment. Son regard féroce ne me dit rien qui vaille. Elle m’adresse la parole. Tout d’abord, je fais semblant de ne pas comprendre ce qu’elle me demande. C’est alors qu’elle reformule sa demande de voir ma carte Pass sur un ton beaucoup plus fort qui ne souffre aucune discussion. Voilà le moment fatidique que je redoutais. Elle est là face à moi. Je dois baisser la tête pour rencontrer son regard. Elle met alors les mains aux hanches pour manifester, si jamais j’en doutais, son autorité. Que dire ? Je ne peux rien dire puisqu’elle a parlé lentement et distinctement en français afin que je m’exécute. Que faire ? Je fais semblant de chercher dans mes poches. Ce faisant, je regarde autour de moi. Ceux qui écoutaient le musicien comprennent que quelque chose de bizarre est en train de se passer. Il faut que je trouve rapidement une solution pour m’échapper. Elle est à moins de deux mètres de moi et elle doit exceller en close-combat. Pas question d’aller à l’affrontement avec elle. Je m’en suis aperçu quand elle a maîtrisé Lesmonts sur le pont l’autre soir. Pour créer une diversion, j’ai l’idée de crier « Regardez ! » en tendant le bras droit vers la droite. Ce qui fait que tout le monde, y compris la responsable de la sûreté, tourne la tête vers l’événement fictif que je signale. Profitant de cette rapide diversion, je me précipite vers la porte d’accès au pont. Je me faufile entre les passagers qui se rendent à l’extérieur. J’arrive à l’escalier. Je vois une porte d’ascenseur qui se ferme. J’hésite. S’il ne se ferme pas immédiatement et que l’on appuie sur le bouton d’appel, il risque de s’ouvrir et là, je me retrouve tout seul dans l’ascenseur à la disposition de la responsable de la sûreté. J’opte donc pour la descente des escaliers. J’avais vu ça dans un film. Je ne sais pas si c’est Jean-Paul Belmondo ou Jacky Chan qui sautait de palier en pallier. Je me lance, prêt à les imiter. Après quelques marches, je saute de l’autre côté de la rambarde pour me retrouver dans l’étage d’en-dessous. Et ainsi de suite jusqu’au pont zéro. Je vois la sortie du bateau. Je bouscule le matelot qui me donne le dos. Il vérifiait l’identité des derniers passagers revenant à bord. Je renverse une dame à la poitrine généreuse dans un caraco manifestement trop petit. La bousculade met à jour une paire de seins qui contenterait amplement les mains d’un honnête homme. Un jeune homme très haut et très maigre comme un balai se trouve sur mon passage. Je l’enfourche comme le font les sorcières d’Halloween. Je me retrouve sur le tapis roulant de vérification des bagages à main. Je suis déjà sur la passerelle quand j’entends les premiers cris. Je me fraie un passage parmi ceux qui montent. Je déboule, je renverse, j’enjambe, je culbute, je piétine, j’escalade, bref, je me démène comme un beau diable pour arriver en bas. Je rebondis sur la table des cocktails d’accueil que je renverse. Les timbales en plastique volent avec le vent qui souffle tandis que les bouteilles choient dans un tintinnabulement strident qui fait se tourner tout le monde alentour vers le motif de ce désordre, et donc vers moi. Pour la discrétion, il y a mieux. Finalement, je saute par-dessus la barrière de sécurité et me retrouve sur la terre ferme. Oui, la terre ferme de Sainte Lucie. Quoi, Sainte Lucie ? Si je m’échappe d’ici, comment et où vais-je me cacher ? Je décide de courir vers la sortie du port. Mais une meute de poursuivants est déjà à mes trousses. Je n’ose pas m’arrêter pour les compter. Ils étaient une demi-douzaine tout-à-l’heure, je crains fort qu’ils soient maintenant au nombre de deux dizaines, au bas mot. Je ne suis pas un champion de course de fond et encore moins un sprinter. Le bateau est long comme la Tour Eiffel. J’en suis à peine à la moitié que je suis déjà essoufflé. Je pressens qu’à la sortie, après la zone Duty free, il y a certainement des policiers. Le port n’est pas si loin du marché. Mais pourrais-je courir jusque-là ? Et puis, à cette heure, il ne doit pas y avoir la foule matinale. Ce serait mieux d’aller du côté de la gare routière. Si je prends un « désherbant » (un taxi-pays), je risque d’être coincé dans un embouteillage à cette heure de l’après-midi. Que faire ? Mon cerveau fonctionne à deux mille à l’heure. Tout compte fait, ce serait une mauvaise idée que de vouloir quitter le port. D’ailleurs, je n’aurai pas le temps de quitter le quai que j’aurai été repris. Il me vient à l’idée de remonter sur le bateau par la passerelle de service. Je l’escalade quatre à quatre et me retrouve à bord. Là, il y a de nombreux membres d’équipage qui vaquent à leurs occupations. Je dois user de stratagème pour les divertir. Je crie le plus fort possible : « Venez-voir ! Come here ! » en montrant l’extérieur du bateau. Pendant que les hommes se rapprochent de l’ouverture, je saute dans l’ascenseur qui fermait ses portes. Hélas, il ne monte pas, mais il descend. C’est un monte-charge qui sert uniquement au personnel. Arrivé au deuxième sous-sol, quand la porte s’ouvre je vois face à moi deux solides gaillards avec des pots de peinture. Voyant que je suis un passager, ils ne me laissent pas sortir et m’expliquent dans une langue que je ne comprends pas qu’il faut remonter. Usant de la même stratégie qui a déjà marché à deux reprises, je fais comme si un danger imminent était derrière eux. A peine ont-ils tourné les yeux que je me faufile entre eux et je détale comme un lapin. Je ne sais pas où je vais, mais je cours. J’entends une voix féminine un peu rauque qui ressemble fortement à celle de la responsable de la sûreté. Elle crie à tue-tête des mots comme Arrêtez ! Stop ! Achtung ! Fermatevi ! Si fermi ! J’arrive à un cul de sac. D’un côté une salle de musculation pour l’équipage et de l’autre une porte d’isolation avec une grande poignée que je tourne à deux mains pour l’ouvrir. La cale du bateau est cloisonnée en sept compartiments sous la ligne de flottaison. Si je dois chaque fois en ouvrir une, la responsable de la sûreté aura le temps de me rattraper. Je devrais monter par le premier escalier que je rencontrerai. Les dieux des resquilleurs sont avec moi. J’en vois un droit devant moi. Il est étroit et en colimaçon. Je l’emprunte et passe devant un atelier de cordonnerie, puis un autre de couture. Je ne reste pas contempler les rideaux, les nappes et les vêtements qui y sont reprisés. Je fonce. Je traverse une pièce pleine de chaises et autres mobiliers en bois. Je ne prête pas attention au menuisier qui y travaille. Je débarque dans une pièce assez grande qui me semble être la buanderie. Là, il n’y a que des philippins qui y sont, si j’en juge par leur aspect physique. Il fait très chaud et humide dans cet espace. Je réalise que je ne peux pas en sortir. La responsable de la sûreté est maintenant sur le seuil de la porte. Je ne me demande pas comment elle a fait pour arriver si vite à me retrouver. A l’évidence, elle connait le bateau, moi pas. Je l’attire dans le fond. Les ouvriers, imperturbables, continuent à alimenter la grande repasseuse en draps à sécher et à repasser. Je m’arrête un instant pour reprendre ma respiration. Dès que la responsable de la sûreté est assez proche de moi, je saute sur les machines à laver et me dirige vers la porte. Je bouscule violemment un nouveau vigile qui arrivait. Je reprends ma course et arrive dans les cuisines. Là tout est propre, inox. C’est vrai que d’habitude je dis « tout est propre, nickel », mais comme les meubles sont en inox, je dis inox… Bon, je ne m’arrête pas pour admirer les baguettes de pain bien croustillantes sortant du four automatique avec une bonne odeur de boulangerie traditionnelle qui donne envie de les déguster. Les voilà déjà à mes trousses. Je passe si près d’un cuisinier que le lot d’assiettes qu’il portait tombe et se casse avec grand fracas. J’escalade les débris de porcelaine et plonge vers la partie avant de la cuisine, celle dédiée à la pâtisserie. Je glisse et atterris face la première dans un plateau de Mont-blanc. J’ai la figure toute blanche avec la décoration du dessert. Je nettoie rapidement mes yeux avec la main et la bouche avec la langue. Il est bon ce gâteau. Dommage que je ne puisse m’attabler pour l’apprécier. Je me relève car déjà, la tigresse du Bengale réapparait. Je cours à contre sens sur le tapis roulant des plateaux. Mes poursuivants en font de même. Je saute sur un charriot qui m’emmène plus vite vers la sortie. Je passe devant deux ou trois salles dans lesquelles j’aperçois des quantités inimaginables de cartons de riz et de pâtes, il faut nourrir près de cinq mille personnes par jour. Ça fait une sacrée cambuse ! Un véritable petit village sur un espace clos entouré d’eau, et de toutes parts. Une autre réserve est pleine de salades et de fruits frais. Un matelot pousse un lourd charriot élévateur sur lequel il y a des Cageots de pamplemousses et d’agrumes venant de Sainte Lucie. Je ne le vois qu’au dernier moment. Patatras ! Je rentre dedans et me retrouve une fois de plus par terre avec plein de fruits jaunes autour de moi. Les vigiles qui me suivaient, n’ayant pu anticiper, leurs pieds roulent sur les citrons verts. Ils tombent à la renverse. Je me relève prestement et continue ma fuite. Je constate que la porte suivante est fermée avec deux cadenas. Dans ma course, j’ai le temps de lire « Wine, Champagne ». Je n’ai donc aucune difficulté à imaginer que le lieu où sont entreposés les vins et spiritueux est sous bonne garde. En parlant de bonne garde, si je ne trouve pas comment semer mes poursuivants, c’est moi qui serai sous bonne garde ce soir. Je prends des couloirs à droite, à gauche. Je n’ai pas peur de me perdre. De toute façon, je ne sais pas où je suis, et pire, je ne sais pas où je vais. Je cherche un escalier. J’aperçois une porte entrebâillée. Je jette un coup d’œil furtif derrière moi et ne vois personne. J’entre. Trop tard. C’est une chambre froide. La température est négative et je le ressens tout de suite. Je me cache derrière les carcasses de bœuf et de mouton qui sont suspendues au plafond. Malgré la faible lueur du lieu, je vois que j’en ai fait bouger quelques-unes. Je commence à avoir sérieusement froid. Je tremble. Dans le couloir, des cris s’élèvent. Je comprends que l’ordre a été donné de fouiller partout afin de me retrouver. Je reste caché dans un coin de la pièce. Fatigué et haletant, je m’accroupis et m’adosse au mur. Hélas, il est froid. La porte s’ouvre et une vive lumière sort du plafond. Je me retiens pour ne pas éternuer. Mais le froid a raison de moi. Je n’en peux plus, j’éternue. Les vigiles se dirigent tout de suite vers moi et dirigent le faisceau lumineux de leur torche MagLite dans les yeux. Au ton qu’ils emploient, je devine qu’ils m’intiment l’ordre de me lever et de les suivre. J’essaie, pour la forme, un rapide baroud d’honneur en me faufilant à travers les futurs faux-filet. J’arrive à la porte et je plonge à l’extérieur de la chambre froide pour tomber sur la responsable de la sécurité. Nous sommes tous les deux à terre. Sans le faire exprès, je lui ai mis plein de décoration du gâteau sur le visage. A peine ai-je réalisé le comique de la situation qu’elle m’a déjà renversé et bloqué le bras droit entre les omoplates. Ce qui me procure une douleur atroce. Elle resserre un peu plus sa prise et me met les menottes. Un coté au poignet droit et l’autre à la cheville gauche. Assurément, avec une telle méthode, peut-être pas recommandée dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, je ne risque pas de m’échapper. Elle sort alors son téléphone et a une conversation très animée. Les autres membres de l’équipage viennent me voir comme l’on regarderait un iguane dans un zoo. Je reste là, immobile. Je ne réponds à aucune question. Je feins de ne pas comprendre.

Au bout de quelques longues minutes, le capitaine en second se présente. Il me dit dans un français chantant qui trahit son origine sicilienne que je leur ai donné du fil à retordre. La compagnie n’aime pas du tout les clandestins. Je lui explique la situation depuis le début. Lors de ma visite pour faire un reportage, l’entretien que le capitaine m’a accordé et les apéritifs que j’ai consommés, lesquels m’ont assommé. La peur que j’aie eue quand je me suis réveillé alors que le bateau était en mer, ainsi que les mauvais conseils qui m’ont été donnés par Jean Boisfer. Je lui explique que je voudrais adresser à Milo, mon rédac’ en chef, un mail afin de découvrir le coupable. Poli, l’officier me signale qu’il en fera état à son hiérarchique. Mais que pour des raisons de discipline, et en raison des dégâts que j’ai déjà causés à la compagnie, il se voit dans l’obligation de me mettre dans un espace de rétention administrative. La geôle, quoi !

Pour m’y emmener, la responsable de la sécurité me libère la cheville droite et met cette menotte à son poignet droit. Ce n’est pas le couple de l’année, et je dirai même plus : nous ne sommes pas bien assortis. On dirait Astérix et Obélix. Enfin, pour ce qui me concerne, c’est le tailleur de menhir, mais en plus svelte. Elle, c’est la demi portion. Bref ! Pour me donner du courage, je me fais des blagues, mais je n’en mène pas large. Je ne me fais même pas rire.

Comment prévenir Olga que j’ai été capturé ? Certes, j’ai été obligé de fuir alors que j’étais en pleine conversation. J’espère que les francophones présents feront courir l’information jusqu’aux oreilles de ma protectrice. L’espoir fait vivre. J’insiste auprès de la responsable de la sécurité pour voir le capitaine Papapoulos en personne. Elle hoche de la tête, sans plus. A force d’insister, le second consent à me conduire auprès du capitaine. Nous parcourons le labyrinthe en sens inverse. En passant, je vois le personnel en train d’effacer les traces de mon passage. Les dégâts sont importants : draps salis, gâteaux renversés ; assiettes brisées, fruits répartis sur le sol… Nous arrivons enfin au pont supérieur. Le capitaine est actuellement en train d’interroger Lesmonts. Il le questionne afin de savoir si c’est bien lui qui a eu une discussion houleuse avec un autre passager avant-hier soir sur le pont supérieur. Le musicien se met debout. Il titube alors que le bateau s’écarte lentement du quai. Ce n’est pas la houle qui le rend instable, j’en suis certain. Il ne peut donc qu’avouer puisqu’il y avait tous les spectateurs qui peuvent témoigner que c’était lui. C’est alors que le capitaine lui demande de ramasser ses instruments de musique et de le suivre. Il élève une véhémente protestation. Rien n’y fait. Le capitaine montre un geste d’agacement. Il ne veut pas faire une arrestation musclée sur le pont alors que beaucoup de passagers lancent des adieux aux badauds qui sont sur les quais. La responsable de la sûreté, me confiant un instant à un des vigiles, contourne Lesmonts et avant même qu’il ne réalise, elle a déjà saisi son bras droit et lui applique une clé. Le rasta se retrouve genou à terre suppliant de le lâcher. Je suis surpris par ce petit bout de femme qui a maîtrisé aussi facilement un passager agité. La responsable de la sûreté est, semble-t-il, d’origine indienne ou pakistanaise. Physiquement, elle est toute menue et ne doit pas dépasser 1 mètre 40. Mais alors, quelle dextérité pour mater l’artiste ! Je suis bluffé. Bien entendu, Lesmonts invoque Jah et tous les grands dieux de la religion Rastafari pour le délivrer. Sans se laisser impressionner, la responsable de la sûreté sort sa bombe aérosol et la met devant le visage de l’excité. Il comprend tout de suite qu’il vaut mieux se taire. Prenant mon courage à deux mains, j’interroge le capitaine :   

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